

Le maire de Budapest, épine dans le pied d'Orban
Quand il voit le sort réservé au maire d'Istanbul, Gergely Karacsony se réjouit que la Hongrie soit membre de l'UE. Le premier édile de Budapest peut encore résister au Premier ministre Viktor Orban et remporte même parfois quelques batailles.
Pour l'heure, "notre appartenance à l'Union européenne offre aux figures de l'opposition une sorte de protection", souffle l'élu écologiste de 49 ans, "très affecté" par l'arrestation d'Ekrem Imamoglu, principal rival du président turc, qu'il connaît.
"J'espère que nous n'en arriverons pas là en Hongrie", dit-il.
Lui-même a abandonné toute prétention nationale après son échec aux dernières primaires de l'opposition.
Mais à la tête de la capitale hongroise depuis 2019, il mène combat contre certains projets "absurdes" du gouvernement pour sa ville. Quand le reste du pays a lui été largement conquis par Viktor Orban, qui détient une écrasante majorité au Parlement et contrôle de nombreux médias.
"Je ne veux pas être casse-pieds mais je dois avant tout défendre les intérêts des habitants", explique-t-il lors d'un récent entretien à l'AFP.
- Un mini-Dubaï "surréaliste" -
Sa dernière victoire: avoir fait capoter le "mini-Dubaï", officiellement nommé "Grand Budapest", un ambitieux projet immobilier confié à une société émiratie.
Annoncée l'an dernier avec pour objectif de moderniser le quartier d'une gare désaffectée, l'opération de 12 milliards d'euros aurait peut-être débouché sur la construction des gratte-ciels les plus hauts de l'UE.
Une aberration pour Gergely Karacsony, qui a décidé d'exercer son droit de préemption sur le terrain et en a repris possession en mars.
L'occasion "historique" d'ériger un nouveau district de logements accessibles et de créer un parc, même s'il faudra d'abord relever les nombreux défis de décontamination de la zone.
Dans ce paysage urbain exceptionnel, au centre classé par l'Unesco, "bâtir un bâtiment vertical de 400 à 500 mètres est une idée surréaliste", peste-t-il.
Le gouvernement hongrois avait fait miroiter un développement économique de la zone et des créations d'emplois.
Mais selon le maire, l'initiative qui a "glissé sur une peau de banane légale" n'avait qu'un but: emplir les poches des proches de Viktor Orban "via des contrats lucratifs" et surtout flatter l'ego du dirigeant nationaliste.
"Il veut laisser sa marque dans l'histoire. Mais est-elle pertinente et durable ou au contraire un pur produit de son ambition politique et de la vanité humaine?", lance-t-il.
Le promoteur Eagle Hills n'a pas annoncé l'abandon officiel du projet mais plus aucune mention ne figure sur son site internet. Il n'a pas répondu aux requêtes de l'AFP.
- Soutien à la Marche des fiertés -
Même s'il préférerait travailler "main dans la main" avec le gouvernement, Gergely Karacsony partage sa "grande joie" devant ce succès.
Tout comme il se félicite d'avoir contribué à stopper le projet du tout premier campus européen de l'université Fudan de Shanghaï.
Les détracteurs de ce plan dévoilé en 2021 voyaient là un moyen pour Pékin d'étendre son influence et pointaient les menaces pour les libertés académiques, sans compter le coût pour les contribuables.
Plusieurs milliers de personnes avaient manifesté pour demander son retrait. Finalement les autorités ont jeté l'éponge.
A ces combats contre des investissements gaspillant "l'argent public ou posant un risque pour la sécurité nationale", s'ajoutent des batailles idéologiques, pour défendre par exemple la Marche des fiertés, qu'une récente loi met en danger.
Ne cessant de restreindre les droits des personnes LGBT+, le gouvernement a menacé de frapper les participants d'amendes.
Une "menace vide" pour "instiller la peur", réagit le maire de la capitale qui sera présent. "Plus nombreux on sera et moins les autorités oseront appliquer les sanctions".
Face à un pouvoir qui "se radicalise", les partis d'opposition n'ont d'autre choix que de durcir leurs actions, estime-t-il.
Il observe avec intérêt la montée dans les sondages du conservateur Peter Magyar, le premier depuis 2010 à avoir selon lui "une chance" réelle de détrôner Viktor Orban lors des législatives du printemps 2026.
Mais en tant qu'ex-analyste politique, il se demande si ses réticences à soutenir clairement l'Ukraine ou à prendre position sur les sujets LGBT+ ne vont pas finir par se retourner contre lui.
Tout dépendra de ce qui importe le plus aux électeurs de gauche, résume-t-il: voter pour le candidat le mieux à même de mettre fin à 15 ans de pouvoir illibéral, ou "voter pour les partis incarnant leurs valeurs".
P.Dubois--MJ